
DMM #6 : Cinémoulinade Jupiter Ascending
Ô Jupiter ascendant, cinémoulinons ! Que vous ayez vu ou non, aimé ou détesté, là n’est pas la question avec les Cinémoulinades. Alors cinémoulinons avec les maîtres transgenres du mariage insolite.
Je vous en prie, prenez place autour de la table. Euh … un problème ? Ah oui, pardon, j’oubliais les présentations. Alors voici Jupiter Jones Mila Kunis, nouvelle reine de la galaxie. Et voilà Titus Abrasax Douglas Booth. Il est méchant mais si vous lui parlez gentillement … Je vous sers un apéritif ? Un lait grenadine ? Si le cinéma mashup est révolution et révolte contre la société de consommation, il sait aussi recevoir. Dans le DMM #4, je vous avais donné la recette des Cinémoulinades, mets composés d’images et de sons servant à tester votre compatibilité cinéphilique avec un film sorti dans l’année. Nous avions alors pu stimuler nos papilles gustatives avec du coréen, Hard Day le bien nommé par les temps extrêmes qui courent. Continuons à exercer notre goût et notre mémoire de cinéphile avec le Cinémoulinade du film Jupiter Ascending réalisé par Lana et Andy Wachowski.
Faire un mashup à propos d’une œuvre des Wachowski, c’est un peu comme l’hôpital qui se fout de la charité. En effet, les deux compères sont les rois de la récupe. Et je ne les blâmerai pas pour cela car ils montrent au grand jour que l’art commence toujours par une histoire d’emprunt. Comme le disait Bernard de Chartres “Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants.” Autrement dit, pour voir plus loin, ils faut nous appuyer sur les penseurs qui nous ont précédés. Alors, si un jour vous croisez un type prétendant que son œuvre est complètement nouvelle, celui-là vous pouvez être sûr qu’il se rapproche plus du mythomane que de l’artiste.
Les Wachowski, eux, n’en font pas secret. Ils affichent leurs influences.
Mais, si depuis Matrix tout le monde est au courant qu’ils aiment la culture cyberpunk et le kung-fu, peut-être trouverez-vous dans ce Cinémoulinade d’autres ingrédients prisés qui vous avaient échappés ? Surtout que dans Jupiter Ascending, ils n’ont pas lésiné sur le nombre et la diversité de leur provenance. Tous leurs mélanges sont-ils aussi goûtus ? Comment doser et trouver un équilibre quand on est un serial-remixeur ?
Les Washobrosis sont de grands cinéphiles qui font des films pour les cinéphiles. Ils déguisent leurs métrages en blockbusters pour tromper les producteurs actionnaires qui n’ont plus aucun amour pour le cinéma, les acteurs et les actrices.
J’aime beaucoup Jupiter Ascending. C’est un Space Baroque Opera hyper ambitieux. Décors, costumes, design des vaisseaux sont beaux et extravagants. Il suffirait juste de couper quelques scènes – l’intro et le dîner en famille avec l’explication sur le prélèvement des ovocites – pour rendre tout de suite l’ensemble beaucoup plus nerveux.
Les Washos devraient rebooter Dune, avec leur sens de la pâtisserie hyper calorique ça aurait une gueule folle 🙂
Oui l’univers visuel de Jupiter Ascending est très riche. Mais il y a un problème de rythme. Et comme tu le dis toi même, c’est un gros chou à la crème alors je conçois que cela plaise à ceux qui aime le sucré mais cela provoque des indigestions chez d’autres 🙂
Tu penses vraiment que les Wachos vont réussir sur Dune ce que Lynch himself n’a pas su faire ?
Je pense que la Wachofamily peut faire à peu près n’importe quoi :)- je suis un fan pratiquement absolu alors ne me demande pas d’être objectif. Plus sérieusement, Dune par Lynch m’a déçu à la première vision – lorsque je suis sorti du ciné je ne comprenais pas ce que j’avais vu par rapport à ce que j’avais lu. Les effets spéciaux – incrustations, matte painting et les design des vaisseaux – sont particulièrement ratés. Le pire étant les vers – une honte pour un film avec ce budget à l’époque. Par contre les décors intérieurs et les costumes sont superbes et les acteurs sont excellents. Le rythme aussi est particulièrement mauvais ainsi que l’intro pédagogique. Plutôt qu’un film il faudrait une trilogie par bouquin pour exploiter correctement toute la richesse de l’oeuvre. J’ai retrouvé dans Jupiter Ascending cette démesure baroque dans les décors et les costumes qui m’avaient plu dans Dune. Je me disais juste que les Wachos étant des jusqu’auboutistes qui n’ont peur de rien, il seraient peut-être capables de faire de l’oeuvre de Herbert quelque chose d’inédit en ces temps de blockbusters planplans, ronflans et inoffenssifs. Par contre je ne dis pas qu’ils réussiraient leur coup 🙂
Je ne pense pas que Jupiter Ascending soit un mix de gros flingues, SF et fantasy. Enfin, si, mais pas seulement. Le point le plus important du film, c’est que l’histoire est un conte. Tous les codes sont là. La Cendrillon, les bottes de sept lieues, les trois maisons à « tester », le bouclier du chevalier, les animaux parlants qui adoptent ici une forme anthropomorphe. Il y a un monstre / dragon, un « château » qui s’écroule, des « animaux guerriers », de la magie expliquée par la science. Tous ces codes sont détournés, fusionnés avec une imagerie SF et exploitées à travers une direction artistique qui se base sur le cyberpunk et l’Antiquité (oui, oui). Jupiter Ascending, c’est un conte d’Andersen qui serait sorti de cryogénisation dans les années 2000.
Ton analyse est très juste.
A noter quand même que, selon moi, ce conte-là manque de souffle. Sans doute en partie parce que les méchants du film sont mauvais. Je n’arrive pas à voir le côté subversif de cette histoire. Or même Cendrillon en a un.