
EDITO : The X-Files, M6 et la Censure
Jeudi soir, M6 renouait avec une tradition où la diffusion d’une série en prime-time relevait encore de l’inédit. Un événement sagement préparé pendant lequel la petite chaîne qui monte diffusait les deux premiers épisodes inédits de la dixième saison de The X-Files, puis une sélection de six épisodes qui conduit les noctambules jusqu’au petit matin. Cette programmation s’est avérée payante puisque le premier épisode réalise 17,9% de part de marché (4,6 millions de téléspectateurs) et le second 17,4% (4,1 millions) ; 1,1 millions de téléspectateurs étaient encore devant leur poste à 3 heures du matin.
Seulement, la joie de M6 est de courte durée quand sur les réseaux sociaux (notamment via @B3zero citant @ILiveMarseille1) commence à naître un vent d’indignation sur la présence de plans floutés ou censurés. Interrogée par le site Ozap, la chaîne confirme : « Certaines scènes ont été jugées choquantes pour un public jeune et ne respectaient pas la réglementation CSA pour une diffusion en prime-time. »
Afin de se prémunir de tout reproche de la part du CSA, la chaîne a délibérément choisi de masquer des passages : « Ce n’est pas de la censure, mais des coupes de deux à trois secondes durant des scènes qui auraient pu être choquantes pour un jeune public. » (Télérama) et ajoute « Nous avons des responsabilités et nous nous devons d’être vigilants puisque nous sommes en pleine période scolaire. En plus des règles du CSA, nous avons aussi un fonctionnement interne, notamment avec un panel de mères de famille qui nous conseillent quelles interdictions nous devrions coller à nos programmes. » (Télérama). C’est une démarche préventive. En effet, le CSA ne peut intervenir qu’a posteriori, une fois le programme diffusé et indique, dans ce cas précis, que M6 a bien conservé une totale liberté éditoriale.
L’ordre du CSA est clair : « Pas de diffusion avant 22 h, à titre exceptionnel (16 maximum) à 20h30 mais jamais les mardis, vendredis, samedis, veille de jours fériés ou congés scolaires (pour les films interdits aux -12 ans, pas plus de 4 par an, par chaîne) (source). »
Dans une logique de diffusion à 21 heures, M6 justifie sa démarche en se basant sur les règles strictes du CSA. Fallait-il repousser l’heure de diffusion afin de présenter les deux épisodes sans coupe, ni retouche ? La chaîne s’est refusée à cette éventualité, légitimant que « le retour de X-Files est un événement qui mérite évidemment un prime-time. D’autant que la génération qui a découvert la série dans les années 1990 voulait sûrement la montrer à ses enfants » (Télérama). Drôle d’idée que de vouloir faire de X-Files une œuvre familiale, mais les beaux scores d’audience leur donnent raison sur un fait : le prime-time fut synonyme de succès. Pour achever sa défense, M6 rappellera que les épisodes proposés sur le replay sont en version non censurée.
Nous pouvons éprouver beaucoup de sentiments contradictoires dans cette histoire. En 2016, une chaîne française peut encore, sous couvert d’obligation, altérer une œuvre ; que la protection des jeunes yeux passe par la législation d’un organe sur un diffuseur, justifiant par cet acte, un assistanat un peu forcé : la chaîne serait le premier rempart de défense, puis le(s) parent(s), mais pour le replay, le(s) parent(s) se débrouille(nt) tout seul(s). On s’indigne (à juste titre) de la censure, c’est le jeu de la patate chaude entre la chaîne (« nous n’avions pas le choix, c’est le règlement ») et le CSA (« Tant qu’ils n’ont rien fait de mal, on n’y est pour rien »). Une conclusion : c’est l’Hydre de Lerne qui se mord la queue et tout le système qui expose ses contradictions.
Donc, clouons au pilori M6 et le CSA ? Mais pourquoi maintenant ?
Depuis toujours, les chaînes françaises ont retouché les séries étrangères, que ce soit par la censure, la modification de l’ordre de diffusion ou l’ablation pure et simple d’épisode (le pilote de Millennium ne fut jamais diffusé par France 2). La pratique est courante, régulière et de nombreuses séries en ont été les victimes : CSI, CSI Miami, House, NCIS, Fringe… En 2009, un article de Pierre Langlais pour Slate.fr revenait sur les agissements douteux des chaînes françaises. L’histoire est bien connue, alors pourquoi s’énerver avec autant d’indignation ? Est-ce que quelque part, nous ne sommes pas en train de supputer que censurer un épisode de CSI, ce n’est pas très grave mais The X-Files, alors non, pas touche ?
La mission révolutionnaire qui entend mener le noble combat de bousculer nos instances vieillissantes ou archaïques n’aurait-elle pas un peu de retard à l’allumage ?
Il est évident que nous ne pouvons cautionner l’altération d’une œuvre, quand bien même pour de bonnes raisons. C’est tout le système qui est à revoir, qu’il faut adapter à son époque. Mais si lutte devait s’allumer, il faut espérer que le feu ne s’éteigne pas avec la diffusion de la saison 10 de The X-Files, car pendant ce temps, NCSI ou CSI continuent d’être parfois amputées de quelques secondes. Et c’est tout aussi grave, n’est-ce pas ?
M6 est vraiment de mauvaise foi pour le coup.
X-Files n’a jamais été une série tout public et de mémoire à toujours été diffusée en deuxième partie de soirée. Ils ont voulu privilegié l’audience en la mettant en prime time, quite à charcuter l’oeuvre pour cela et faire endosser la responsabilité au CSA.
Bref, après on s’etonne du téléchargement…
@Liojen Non, M6 diffusait X-Files le samedi soir en prime time à la fin des années 90.
L’indignation actuelle vient du fait que les internautes ont pu comparer l’oeuvre originale avec la version M6. Ce qui n’était sans doute pas le cas pour les autres séries par le passé, pour lesquelles la totalité des spectateurs attendaient sagement la diffusion TV. Si le phénomène avait été connu plus tôt du grand public, il aurait été dénoncé de la même façon, quelle que soit la série.
Je me souviens avoir été choqué par la diffusion des épisodes de 24 heures chrono sur TF1, qui justifiait la programmation de l’épisode 5 avant le 4 dans la même soirée en expliquant que le 5e était trop violent pour les chers téléspectateurs français. Pour ma part, j’ai toujours trouvé que ce fonctionnement était tout-à-fait anormal et qu’il contribuait à la perte de crédibilité des chaînes françaises.
« Ce qui n’était sans doute pas le cas pour les autres séries par le passé »
Et pourtant on a pu lire à de nombreuses reprises des articles sur la censure et les coupes sur des séries comme Band of Brothers, X-files à l’époque, Buffy etc etc à l’époque de leurs diffusions.
La vrai différence elle n’est pas dans la capacité à comparer mais dans la notoriété acquise par ces fictions et là encore, comme souligné dans l’édito, il y a une indignation à deux vitesses. On se plaint pour X-Files mais tout le monde se fiche de CSI
Et pendant ce temps, on voit, en pleine journée, des rappeurs (la plupart du temps mais pas que…) qui friment, autour de femmes nues à 98% twerkant à en réjouir les kinésithérapeutes (pour les futures séances, hein)…
La solution est peut-être tout simplement de le dire avec une annonce avant le programme du type : « cette oeuvre à été altérée intentionnellement afin de pouvoir être diffusée dans les conditions fixées par le règlement du CSA ». L’important, c’est la transparence. N’oublions pas que simplement doubler une oeuvre, c’est déjà l’altérer… Et parfois en bien 🙂