
Séries & Comics : Quelle consommation ?
Toute cette semaine, le Daily Mars se penche sur le rapport qui existe entre les séries télévisées et les comics. Comment ces deux médias entretiennent des similarités, comment ils peuvent se nourrir et quelles sont les conséquences d’une telle porosité. Aujourd’hui, nous traçons un parallèle entre les différents modes de consommation qui touchent aussi bien les séries que les comics.
Il existe un facteur qui rapproche les séries et les comics : le rapport temps/parution/consommation. Chaque médium utilise ce rapport pour modeler sa narration, son découpage. Pour les séries, il y a la saison, l’épisode, l’acte. Pour les comics, le run, l’épisode, la page. Ces distinctions commandent l’écriture, que ce geste soit automatique ou non pour les auteurs. Et commandent la lecture/visionnage.
Regarder une série en mode marathon (ou binge watching) ou s’empiffrer des recueils, c’est aller contre un mode de consommation tel qu’il est prévu. Est-ce pour autant que notre vision devient biaisée ou que l’oeuvre s’en trouve dénaturer ?
Lire l’intégrale de Watchmen n’atténue en aucune façon la puissance du récit de Moore. Son génie nous saute toujours au visage, les mains cramponnés au livre, sans pouvoir résister à la tentation de tourner les pages, chapitre après chapitre. La densité du récit, son habile construction contiennent un pouvoir immersif capable de happer le lecteur. Mais il existe cette amertume de ne pas avoir pu savourer l’oeuvre sur une échelle de temps plus importante : les douze mois originels.
L’attente entre deux chapitres/épisodes intervient dans le processus de consommation comme digestion, assimilation et suspense. L’attente créé l’addiction. Ce besoin quasi compulsif de connaître la suite. L’attente entretient l’union entre le spectateur/lecteur et l’oeuvre. Un accord tacite entre l’auteur et son public, un contrat entre le diffuseur et son public. L’attente, c’est ce moment d’incertitude où tout semble possible mais sur lequel nous ne possédons aucune prise.
Le sacrifice de cette attente n’est pas préjudiciable à l’oeuvre. Ses qualités, ses forces, sa maîtrise ne sont pas solubles dans la masse. Inversement, le binge watching est parfois salvateur. Comme cette lecture en marathon supprime le phénomène d’attente, la frustration liée à un épisode faible (pour diverses raisons) est amoindrie par la possibilité d’enchaîner avec le suivant. La consommation en rafale efface les notions d’épisodes. Ils se mélangent, se confondent jusqu’à créer un bloc compact mais indéfini. Les baisses de rythme, d’intensité, d’intérêt ne sont plus à la même échelle : enchaînement d’épisodes contre semaine d’attente. Si l’on a pu voir que l’attente fonctionnait à un niveau “digestif” (être capable d’assimiler ce que nous venons de voir/lire), elle intensifie la déception (“tout ça pour ça”). La lecture d’un recueil ou la vision d’une saison évacue ce sentiment.
Dans les faits, cela donne une modification de la perception. La seconde saison de The Walking Dead ne produit pas les mêmes effets si on la regarde en bloc ou selon sa diffusion initiale. Toute la première partie, dans la ferme, peut sembler interminable, semaine après semaine comme il ne se passe pas grand chose. Inversement, elle est plus “acceptable” si on la regarde d’une traite. Ici, il ne s’agit plus d’une suite d’épisodes longuets, mais d’un (gros) épisode : la ferme. Les derniers events précédent Marvel Now comme Siege ou Fear Itself s’apprécie “mieux” en recueil qu’en publication mensuelle (le rythme est effroyable). 24 est un excellent sujet sur l’opposition diffusion intiale/binge watching. La vision en rafale a souvent été salvatrice pour la série ou du moins atténuait les énormes problèmes scénaristiques. Sa nature de série en temps réel la prédispose particulièrement à une appréciation différente selon le mode de consommation.
Il n’existe pas une bonne façon de regarder des séries ou de lire des comics. Le choix va provoquer de légères modifications de la perception, le plus souvent à l’avantage de l’œuvre mais un regard critique restera capable de définir les carences, les problèmes que peuvent contenir une oeuvre. Les différences vont se relever à hauteur de l’investissement. En temps, par la force des choses mais aussi en intensité émotionnelle ou psychologique. La série travaillera le spectateur différemment.
J’avoue que pour les séries, je suis quasiment systématiquement en mode « binge watching ». La faute à certaines séries prometteuses, que j’avais regardées dès leur sortie, et qui ont été annulées pour une raison ou pour une autre. Maintenant j’attends en général qu’une série soit terminée ou suffisamment avancée pour me mettre à la regarder. Peut-être que j’y perds, mais ce que j’y gagne, c’est de vivre plusieurs semaines avec des personnages qui deviennent systématiquement plus attachants que si j’avais entrecoupé le visionnage avec d’autres séries. Là je regarde Sons of Anarchy, je n’ai pas le sentiment der passer à côté d’une attente salvatrice, par contre qu’est-ce que je peux aimer les personnages !
En Comics c’est pareil, ado je les lisais en kiosque, maintenant je ne lis quasiment que des recueils, principalement parce que je lis et j’oublie vite, donc je me coupe assez souvent de l’histoire si je ne la lis pas d’une traite.
Bref, mon mode de consommation est lié à mes goûts personnels, pas à un choix imposé…
C’est vrai que mon habitude va plutôt au binge-watching/reading. L’effet d’attente ne produit pas spécialement d’effet chez moi, et je suis en général déçue quand je lis/regarde quelque chose dans la temporalité de sa diffusion/édition.
Exemple : Walking Dead, le comics, que j’ai découvert tardivement (aux alentours des tomes 10/11 voire 12) et que je me suis enfilée avec délectation 3 par 3 (on me les prêtait). Depuis que j’ai rattrapé le rythme de diffusion normal, je suis bien obligée d’attendre chaque tome, et soit la qualité de scénario a baissé, soit c’est moi qui ne sais pas lire quelque chose qui se publie tous les 6 mois, mais j’ai vraiment du mal à accrocher comme j’avais accroché depuis les premiers numéros. Est-ce que c’est le rythme de diffusion Français qui est en cause (un gros tome tous les 6 mois) ? Ou simplement, le fait d’attendre me sort de l’ambiance et de l’empathie que j’ai pour les personnage ?
Pareil pour Doctor Who que j’ai découvert sur le tard en 2012 : j’ai rattrapé 2005-2012 en quelques semaines, et ça a été une de mes plus incroyables révélations télévisuelles ! Surtout les run de fin de saison de Davies ! Impossible de décrocher, on était à DONF dessus ! Alors que j’ai commencé à devoir attendre pour voir la fin de la saison 6 et surtout la 7. J’ai été super déçue de la saison 7, de sa coupure de plusieurs mois en plein milieu, et de devoir attendre un épisode par semaine me coupait complètement de l’aura magique et fantastique dans lequel la série m’avait plongé lors de sa découverte.
Je me rends compte qu’une consommation lente ne suscite pas chez moi d’attente et de frustration, mais me sort complètement de l’ambiance et des intrigues. Surtout que j’ai une mémoire de poisson rouge dans ce genre de cas et que j’ai oublié le principal de l’intrigue très très rapidement. Je suis très énervée contre cette mode actuelle de couper des saisons en 2 d’ailleurs…
Je ne pense pas que le comics « The Walking Dead » baisse en qualité. Par contre, il change de rythme et de propos. On a glissé depuis quelque temps du pur survival à un récit de reconstruction politiqu et communautaire. D’où ton sentiment peut-être… ?
(déjà sorry, je voulais faire une nouvelle réponse et pas répondre sous celle d’Alex The Ghit ^^)
Euuuh non encore le coté communauté d’il y a quelques tomes me plaisait bien, ça changeait, mais c’est l’arc avec Negan « plus gore que gore, plus méchant que le gouverneur etc » qui me laisse de marbre. Genre vous avez aimé l’arc de la prison et du gouverneur ? (pour ma part : OH PUNAISE OUI !) Eh ben on vous en ressert une part de tarte ! Dites merci ! (Mais là je trouve que ça fait réchauffé et que c’est beaucoup moins efficace. A mois que ça soit ma lecture différée de 6 mois à chaque fois qui plombe le truc, alors que j’ai pus lire tout l’arc du gouverneur d’une traite.)
C’est pas faux 😉