
Au revoir, Dexter (bilan de la saison 8)
Ca y est, c’est fini. On a enfin pu dire au revoir au serial killer le plus aimé de la télévision. Dexter s’est terminé dimanche soir. Et si l’audience fut au rendez-vous, la série a pourtant donné l’impression de se terminer dans une indifférence polie. 8 années, 96 épisodes (1) et une histoire d’amour contrariée avec ses suiveurs.
Au début de la saison, la distribution des cartes est faite. Debra a quitté le Miami Metro pour devenir chasseur de primes. Elle a aussi sombré dans l’alcool et la drogue. C’est mal. Dexter, son grand frère qui a toujours été là pour veiller sur elle, n’a plus aucune nouvelle depuis plusieurs mois. Tout ça parce que, pour le protéger, Debra a tiré sur La Guerta (2).
Sur Miami sévit un nouveau serial killer, le Brain Surgeon, qui enlève une petite partie du cerveau à ses victimes, celle qui renferme l’empathie. Pour les aider, le Docteur Evelyn Vogel leur vient en aide. Elle est celle qui murmure à l’oreille des serial killers. Elle connaît très bien Dexter Morgan, et pour cause, c’est elle qui a créé le code d’Harry. Et pendant ce temps-là, au Miami Metro Police, on sacre la mémoire de La Guerta en nommant un banc public à son nom.
Comme on imagine bien les scénaristes de Dexter se réunir dans leur salle d’écriture, aux alentours de janvier, et se dire « euh… on fait quoi, cette année ? ». Un fatras d’idée qui tombe, et la décision qui en suit « on met tout dans un mixer et on espère que le goût ne sera pas dégueulasse ». Il n’y a aucune logique, aucune cohérence dans l’évolution de cette saison. Rien n’est naturel, tout se fait par à-coups. La saison donne l’impression d’avoir été écrite par 12 personnes différentes qui ne travaillent pas ensemble, mais à tour de rôle.
La bonne idée d’un épisode se retrouve évacuée dans le suivant, au profit d’une autre, supposée meilleure. Debrah sombre ? OK, mais elle va mieux très vite. Un personnage de la saison précédente revient et menace les Morgan ? OK, mais juste après, ce même personnage devient super sympa. Quinn passe des concours pour devenir lieutenant, poussé au cul par Batista ? OK mais juste après, Batista ne lui donne pas de promotion. Batista fouille les affaires de La Guerta et risque d’apprendre quelque chose sur Dexter ? Finalement, non, ça ne servait à rien…
Une façon de faire qui met en avant l’inertie de la série, qui la plombe depuis des années. A chaque fois que la série a semblé prendre un chemin annexe, elle a toujours été ramenée à sa base. Une situation qui ne bouge pas, qui n’avance pas. Statu Quo constant et agaçant.
En étant mauvaise langue, la saison 8 semble être un patchwork des idées rejetées les saisons précédentes. Les guests sont au mieux inutiles (la pauvre Charlotte Rampling, qui change de personnalité à chaque épisode, et que tantôt Dexter considère comme une mère, puis comme une ennemie, au gré du vent), vite expédiés (bonjour Bethany Joy Lenz. Au revoir Bethany Joy Lenz), complétement réécrits au milieu du récit (Yvonne Strahovsky, toujours magnifique, mais c’est tout), ou carrément grotesques (Sean Patrick Flanery, ridicule à souhait).
Les pistes de la saison pour les personnages secondaires n’ont strictement aucun intérêt. L’aventure entre Quinn et Jaimie n’offre que très peu de scènes qui valent le coup. Angel fait du Angel (il sert à rien, et le fait super bien). Le pompon revient à Masuka, qui découvre qu’il a une fille de 20 ans qui travaille dans un bar topless, mais qui est stagiaire à la Miami Metro, section scientifique. Des scènes fabuleuses qui verront Masuka se demander si elle veut son argent (pas de résolution) et si elle ne prend pas trop de drogue (pas de résolution). Vu le niveau d’intérêt de l’intrigue, on aurait pu se contenter d’une web-série « Pendant ce temps-là, chez Masuka ». Mais non, la paresse étant le mot d’ordre, cette arche narrative fait partie des épisodes. Eh oui, chez SHOWTIME on fait du 52 minutes. Faut remplir.
Scott Buck était aux commandes pour la grotesquissime saison 6 et la bordélique saison 7. La saison 8, c’est la somme de toutes ses qualités, un gros bordel grotesque. Jusqu’au bout on a cru à une dernière heure épique, qui viendrait racheter la série. Il n’en fut rien. Le final est aussi paresseux que le reste, empilant les raccourcis et les facilités.
[SPOILER]La série a même oublié tout sens du propos, enchaînant une scène où Debra absout Dexter de ses pêchés en lui disant qu’il ne doit rien se reprocher (sérieux ? SERIEUX ?), avec dans la foulée un Dexter en mode sacrificiel qui considère qu’il doit disparaître pour ne plus pourrir la vie des gens. Ce qui vient aussi contredire le changement du personnage qu’on essaie de nous vendre depuis trois épisodes, vu que Dexter a décidé de ne plus tuer !
La série valide aussi définitivement toutes les théories les plus nauséabondes concernant l’auto-défense. Entre être dans la tête d’un tueur, développer de l’empathie pour lui et valider ses actions, il y a un monde ! La série, plutôt que de mettre Dexter face à ses vrais problèmes, décide de définitivement verbaliser que l’auto-défense, c’est bien. Si au final, Debra est en danger de mort, c’est parce que Dexter, pour la première fois, décide de livrer sa victime aux mains de la police. Il aurait donc dû le tuer ! Superbe morale.
Dexter se condamne à la fuite, à quitter Miami au milieu d’un orage pour aller au Canada devenir bûcheron. Comme dans The Shield, le personnage central paierait ses crimes en vivant un enfer personnel. Sauf que celui de Dexter est risible au dernier degré. Son enfer personnel, c’est donc les chemises à carreaux (en même temps…)
Dexter nous quitte donc, jusqu’à son spinoff (La Paçion d’Angel Batista, Quinn : PI…) ? Son retour (Dexter : Vancouver) ? [FIN DU SPOILER]
Une fin au goût amer, qui fait regretter que la série n’ait pas été stoppée au terme de la saison 4, ou plus pragmatiquement, qu’un vrai bon showrunner soit nommé pour prendre la suite. Triste départ pour une série autrefois tant aimée. Donc, je me contente d’un « au revoir ». Et pas « au revoir et merci ». N’exagérons pas.
DEXTER, Saison 8 (SHOWTIME)
Développée par James Manos Jr
Showrunnée par Scott Buck
Avec : Michael C. Hall (Dexter Morgan), Jennifer Carpenter (Debra Morgan), David Zayas (Angel Batista), James Remar (Harry Morgan), C.S. Lee (Vince Masuka), Aimee Garcia (Jaime Batista), Charlotte Rampling (Evelyn Vogel), Bethany Joy Lenz (Cassie), Sean Patrick Flanery (Jacob Elroy)
Oui, Clyde Phillips est sorti de sa réserve dernièrement pour donner sa version de la fin. Dexter aurait fini exécuté. Les 8 saisons auraient représentées sa vie défilant devant ses yeux. Simple au possible. Attendu. Pas ébouriffant non plus.
Ce qui frappe le plus dans ses propos (une interview pour EOnline ) c’est quand il parle du mode de travail sur Dexter. Cette phrase, surtout « nobody was the boss of that show. It was a collaboration between Sara Colleton and John Goldwyn and the network and me (3) ». Plus qu’une frustration créative de ne pas avoir fait la fin qu’il voulait, Phillips formule peut-être une frustration de travail. Dexter, une série sans vrai showrunner. Un show sans tête. Il était peut-être là, le problème.
(1) : Allez, encore 4 et on fait un compte rond ! Un petit effort !
(2) : Contrairement aux apparences, elle ne l’a pas juste fait parce que son personnage était catastrophique.
(3) : « Cette série n’avait pas de chef. C’était une collaboration entre Sara Colleton, John Goldwyn, la chaîne et moi. »
« Une fin au goût amer, qui fait regretter que la série n’ait pas été stoppée au terme de… » >> N’est-ce pas ce que nous pouvons dire de toutes les séries américaines ? C’est le même système que pour les manga : si ça marche, on continue jusqu’à ce que ça devienne mauvais et que le public aille voir ailleurs.
J’ai beaucoup aimé Dexter, à une époque. Mais je me suis arrêté définitivement pendant le premier épisode de la saison 4, et compte-tenu de ce que je peux lire depuis, je pense avoir bien fait.
Je ferais court. Non. Ça ne s’applique pas à toutes les séries américaines. Regardez Breaking Bad. Regardez The Shield. Regardez Frasier… les exemples sont légion et il n’y a pas de fatalité liée au mode d’expression ou à la nationalité. Ça serait trop facile.
Ce n’est pas une question de facilité, c’est une question d’argent. Pourquoi se priver d’une source de revenues, quand bien même celle-ci n’aurait plus rien à raconter ? Plus une série dure, plus il y a de chances pour qu’un des acteurs principaux quitte le programme, que les scénaristes n’aient plus d’idées, et que Fonzie fasse du ski nautique sur un requin.
Mais tant que ça marche, ça continue. Et à l’inverse, tant pis pour les séries qui se ferment sans résoudre leurs enjeux, mais dont le succès n’est pas suffisant pour amener une suite pourtant prise en compte dans l’écriture.
Alors oui, il y a sans doute des exceptions. Comme partout. Mais des Dexter, ce n’est pas ce qui manque.
Bien sûr que c’est une question d’argent. A partir du moment où la série est optionnée par une chaîne, ça devient une question d’argent. Et bien sûr que si ça marche, la série va continuer. Et inversement.
Si vous ne regardez que des « Dexter », je vous plains. Je dis ça sans ironie.
J’en ai regardé… beaucoup trop à mon goût.
Le problème des séries trop longues est souvent lié au fait qu’elles sont dirigées par des Showrunners qui baissent facilement leur pantalon face aux producteurs des chaines. Il suffit de regarder les séries qui sont déjà cultes, pour voir qu’elles sont tiré vers le haut par des mecs qui ont de la poigne, et qui savent ce qu’ils veulent.
Des mecs comme Vince Gilligan (Breaking Bad), Mathiew Weiner (Mad Men), David Chase (les Sopranos) ou Terrence Winter (Boardwalk Empire) pour ne citer qu’eux, sont des gars qui dés le départ ont dit « je veux tant de saisons, pas plus ».
La saison 4 n’était pas si mal. Elle aurait très bien pu conclure la série.
vous n’avez pas du beaucoup regarder de séries en effet…
Oui la fin de Dexter est complètement ratée et c’est dommage car elle méritait mieux (ceci dit je ne me souviens pas de beaucoup de séries qui ont un final satisfaisant). J’ai regardé la série jusqu’au bout (avec une parenthèse sur la saison 6 que j’ai arrêtée en cours de route). En effet, ça va vraiment dans tous les sens depuis longtemps déjà. A ce niveau, Dexter me rappelle Nip Tuck. Dexter aurait probablement dû s’arrêter à la fin de sa 4e saison. Mais bon…
Chaque fois que je regardais Sean Patrick Flanery, j’avais l’impression de voir Marty Macfly, celui de 2015, qui rentre du boulot avant de se faire virer..
Mais ouais ! Mais c’est ça !!!
Pareil!
Même constat amère que beaucoup de monde. Et j’en ai marre de dévorer des séries brillantes, enthousiasmantes et jubilatoires pour finir avec ce même goût de cendres dans la bouche. Mince quoi ! Il faudrait vraiment un 6e sens pour détecter quand arrêter un show magnifique pour rester sur une impression de félicité. Mais non. On aime la série. Alors on regarde toujours la saison suivante, même si elle est moins bonne. Parce que des fois, on a de bonnes surprises, et ça reste bon jusqu’au bout, mais pas toujours. (Finalement, on a eu le nez creux avec Misfits : brillant pendant 2 saison, une troisième qui commençait à sentir mauvaix, et vu les articles du Village, une suite qui n’augurait rien de bon. Hop, on arrête les frais).
Bref, un Dexter brillant pendant 3 saisons (1 à 4, sauf 3… j’ai pas spécialement aimé la 3) et puis ensuite, une seconde partie paresseuse, parsemée de quelques bons moments. Ce genre de bon moments présents à chaque épisode dans les débuts, mais qui, vers la fin, ne viennent ponctuer des saisons molles et bavardes qu’à de trop rares moments.
Et que dire de ce final ? En voyant les camions de bois à la fin, mon esprit à automatiquement dérivé vers Wolverine, premier du nom. Vu le nanard, c’était pas vraiment la meilleures référence à faire.
Alors il y a une solution : ne pas regarder une série avant qu’elle soit clôturée. Tenter de trouver des bilans comme ici, avec le risque de se spoiler, et voir quelles saisons valent le coup. Mais bon, on a un peu l’impression d’arriver après la bataille, de ne pas partager l’enthousiasme collectif. C’est un choix à faire…
C’est ce que je fais depuis un certain temps. Il y a tellement de séries à voir qu’on peut se permettre, avec un peu de patience, d’attendre de voir ce que ça va donner.
Par exemple, je suis en train de me faire l’intégrale de Fringe en ce moment. J’ai arrêté de regarder Breaking Bad depuis plusieurs saisons, et j’attends les critiques du tout dernier épisode avant de reprendre. Je m’étais fait The Shield et The Wire une fois les séries finies. J’ai commencé à regarder Misfits, et j’ai arrêté après trois saisons. En fait, quand une saison devient plus « faible », je ne m’obstine pas, sauf rares exceptions, et je ne reprends que si les critiques du reste sont vraiment bonnes. Dexter, j’ai arrêté après avoir regardé quelques épisodes de la saison 5. Bref, c’est parfaitement gérable, il suffit d’avoir des « cobayes » autour de soi 🙂
« Spoiler »
La mort simulée , et le gars qui travaille sur un chantier , du Jack Bauer …
Et puis Dexter , qui prend conscience du mal qu’il fait autour de lui avec la mort de Debra, sympa mon grand , il t’as fallu 8 saisons , et Rita !
La technique du « je regarderai si au final on me dit que c’est bien ». Si le monde entier faisait la même chose, aucune série dans AUCUN pays ne dépasserait le pilote. Je comprend la logique, hein. Je dis juste que si on veut des bonnes séries, il faut les regarder (même si dans notre cas, attendre pour une série US peut se défendre.)