
MOVIE MINI REVIEW : critique de Whiplash
Le Jazz. Musique mythique du XXe siècle. Symbole de liberté et de folie créatrice. Musique dorénavant pétrifiée par le culte idiot de sa grandeur passée et de sa subversion émancipatrice. Ne reste plus que la performance d’interprètes virtuoses robotisés à l’extrême. La créativité révolutionnaire n’est plus. C’est le temps des performeurs. Le temps de la perfection technique. Et WHIPLASH, film phénomène de cette fin d’année, vient naïvement entériner ce triste état des lieux.
Andrew est un jeune batteur ivre de gloire et du légendaire Buddy Rich. Son rêve absolu? Intégrer le Studio Band, groupe dirigé par Terence Fletcher, le meilleur chef d’orchestre de son école de musique. Et une spectaculaire relation sado-masochiste va se nouer entre ce jeune prodige et son mentor tortionnaire.
À l’instar du fantastique FULL METAL JACKET, cité explicitement (c’est quoi cette haine du gros?), l’instructeur truculent et féroce (incarné par un J.K. Simmons aussi terrifiant que R. Lee Ermey) va devoir détruire mentalement son élève/soldat (l’insipide Miles Teller, vu dans la purgeasse DIVERGENTE, la review ici) pour mieux le transformer. Mais le transformer en quoi? En artiste visionnaire? En musicien accompli? Ou alors en machine de guerre musicale désincarnée? En misanthrope égocentrique asocial, rongé par sa propre ambition?
L’apologie de la souffrance comme étape indispensable à l’accomplissement artistique est une vision horriblement clichetonneuse et irrémédiablement étriquée (pour ne pas dire illusoire) du monde de la création. C’est la vision des médiocres. Le perfectionnisme technique n’est pas une fin en soit comme le pensent Damien Chazelle et ses personnages. Jamais. C’est une étape. Un passage obligé vers la transcendance. C’est en se libérant de ce carcan que les génies évoqués dans WHIPLASH (coucou Charlie Parker, invoqué comme une divinité) sont devenus légendaires. Et surtout, pas besoin de passer par une relation violente maître/disciple pour y arriver.
Sans le vouloir, Damien Chazelle enterre un peu plus ce jazz qu’il pense glorifier. WHIPLASH ne fait que conforter son nouveau statut. À savoir un spectacle désincarné de singes savants qui reprennent, à la perfection, ses standards (Whiplash, Caravan…) sans tenter une seule putain de seconde de le renouveler. Le jazz est comme vitrifié par la reconnaissance officielle. Il est « muséifié »… La pire chose qui soit!
L’art est aussi, et surtout, un combat intime, intérieur. Le dépassement de soi ne nécessite pas (forcément) la présence d’un pygmalion sadique. Damien Chazelle fait la même erreur que Darren Aronofsky avec BLACK SWAN (la critique à Plissken là). Mais Aronofsky parvenait à transcender son propos par sa mise en scène tarée et oppressante. Chazelle se noie quant à lui dans un maniérisme indé de bon goût où les pires clichés sont de sortie (coucou les gros plans sur les partitions et les instruments et coucou la caméra qui virevolte n’importe comment). Et les récompenses pleuvent… Naturellement.
Autant le duel mental impressionne (J.K. Simmons est fantastique), autant le propos relève de la niaiserie puérile niveau deuxième section de maternelle…
En salles depuis le 24 décembre
2014. USA. Réalisé par Damien Chazelle. Avec Miles Teller, J.K. Simmons, Melissa Benoist…
La critique à Mika c’est par là…
Bordel pour la énième fois : ARONOFSKY EST UNE TANCHE, et NON « Whiplash » n’a RIEN A VOIR avec cette merde de « Black Swan », faut arrêter d’induire en erreur les gens qui ne l’ont pas encore vu.
Sinon a en croire cette « critique », les dizaines de personnes qui applaudissent à la fin des scéances du film sont donc très certainement assez molles du bulbe, dans l’ensemble…
Bref, en attendant « Whiplash » – même s’il rate de peu la palme de la grosse « claque » annoncée – fait néanmoins sans aucune discussion partie de mon top 3 cette année, avec « Gone Girl » et « Nightcrawler » (COUCOU Dr Machin!!).
Même si vous êtes du genre à suivre les conseils avisés (souvent « avinés » surtout…) du Doc, allez voir le film, ne serait-ce que pour son final, qui est un monument en termes de montage et de rythme. Assurément l’une des scènes les plus « tripantes » que vous aurez vu sur grand écran.
J.K. Simmons est énorme, Miles Teller est génial (et c’est qu’il touche sa bille à la batterie le p’tit saligaud!!). Certes, le « traitement de choc » administré par Fletcher à ses élèves pourra parfois paraitre « limite » niveau crédibilité, et Simmons se la joue parfois un poil trop « Full Metal Jacket » dans son rôle de « psychopathe teacher ».
MAIS il est clair que les élèves n’ont pas un flingue posé sur la tempe, et que rien ne les obligent à continuer de suivre ses cours, si ce n’est cette quette pour la « perfection musicale » pouvant à terme leur ouvrir les portes du succès.
Ensuite un évènement arrivant en cours de film va quelque peu « fissurer » la carapace de Fletcher. Et si J.K. Simmons possède une présence incroyable lorsqu’il « dresse » (littéralement) ses élèves, il s’avère aussi ultra crédible lorsqu’il doit transmettre, de par ses subtiles expressions faciales et sa gestuelle, les sentiments contradictoires qui l’habitent.
Enfin « Whiplash » c’est avant tout un grand film sur la manipulation et la rançon de la gloire.
Jusqu’ou est-t-on prêt à aller pour atteindre son but ultime dans la vie ?? Faut-il obligatoirement devenir un salopard pour réussir ?? Qui manipule qui, ou plutôt qui « croit » manipuler l’autre ??
L’évolution de la personnalité d’Andrew est à ce titre très bien décrite… Et le film peut donc très bien se voir (et se vivre) comme un pur film de d’horreur.
Fletcher étant le Dr Frankenstein, Neyman étant sa créature.
Et l’on assiste donc, médusé, à la création d’un monstre – celui de Fletcher. Et en cela, ce fameux final en forme de faux happy ending est très, très trompeur…
Cerise sur le gâteau, le film est une véritable ode au jazz, et possède un rythme fou. Avez-vous déjà été à la fois fasciné, terrifié, et en ayant en même temps une furieuse envie de taper du pieds ??
Petit p.s. : j’ai entendu dire que Mr Friedkin himself adore le film, enfin moi j’dis ça…
Allez-y en tout cas, vous ne le regretterez pas!!
Pourquoi vouloir opposer la technique et la création comme le fait cette critique ?
Certes, la perfection technique n’est pas gage d’innovation et ne suffit pas à créer une oeuvre originale (et encore moins géniale). Mais sans technique l’art n’est rien ! Seule une poignée de génies a réussi à révolutionner la pratique d’un instruments sans en maîtriser parfaitement la technique. Pour le reste (99% des zicos) c’est tout bonnement indispensable. Et je vois mal comment éviter la souffrance qui résulte de la répétition des mêmes gestes lorsque l’on veut maîtriser son instrument. Avant de renouveler un art, la moindre des choses est de faire preuve d’humilité et d’en maîtriser la technique. Avant de faire dans le cubisme, Picasso a appris à maîtriser les techniques classiques de l’art figuratif.
C’est d’ailleurs ce mépris pour la technique qui transparaît dans la production cinématographique française actuelle, où l’on se prétend « auteur » avant même de savoir éviter un faux-raccord… Et il me semble aussi parfois percevoir sous la plume de Docteur No ce même dédain pour la technique (mouvements de caméra, effets spéciaux, 3D…) lorsqu’il est question de cinéma… Mais peut-être est-ce là une sur-interprétation de ma part…
Justement, le Docteur écrit bien « Le perfectionnisme technique n’est pas une fin en soit comme le pensent Damien Chazelle et ses personnages. Jamais. C’est une étape. Un passage obligé vers la transcendance », et ne nie pas qu’il faille y passer ou qu’elle soit nécessaire à maîtriser son instrument et interpréter les œuvres.
Quant à la grande question de la souffrance, oui, d’accord avec toi, il est inévitable qu’une certaine souffrance résulte de la répétition des mêmes gestes lorsque l’on veut maîtriser son instrument, mais les bandes-annonce et reportages que j’ai vus sur le film donnent la nette impression que ça va beaucoup plus loin que ça et que le propos du film est une apologie de la torture et du masochisme qui m’a profondément perturbée et ne m’a donné aucune envie d’aller le voir.
Oui j’ai bien lu cette phrase que tu cites mais j’ai aussi lu celle-là : « L’apologie de la souffrance comme étape indispensable à l’accomplissement artistique est une vision horriblement clichetonneuse et irrémédiablement étriquée (pour ne pas dire illusoire) du monde de la création. C’est la vision des médiocres. »
Ben non, pas du tout d’accord avec ça. C’est pas la vision des « médiocres » mais des humbles. la technique c’est chiant. L’apprendre c’est une forme de souffrance inévitable. Et tous les artistes, fussent-ils jazzmen, ne sont pas appelés à devenir visionnaires.
En quoi devenir une « machine de guerre » technique empêcherait l’artiste de créer son oeuvre en s’affranchissant partiellement, ensuite, de la technique ?
Ben non, pas d’accord. La souffrance dont il est question ici n’est pas celle de l’apprentissage technique mais bien celle, clichesque et nawesque au possible, du « pour être un bon artiste, il faut avoir souffert, souffrir et en ch… jusqu’à ta mort, si possible dans la déchéance physique et mentale la plus totale ». Si si, on entend encore ce genre de conneries de nos jours.
Et puis ce trip maître dominant/élève soumis dont il semble plus être question ici, c’est une une grosse bêtise qu’on véhicule encore aujourd’hui comme étant le meilleur modèle. Du n’importe quoi qui légitimise des trucs comme le bizutage, la tyrannie des petits chefs et j’en passe… Bref, des choses qui n’ont absolument rien à voir avec la transmission du savoir.
Pour revenir sur le sujet de l’apprentissage, celui-ci n’est pas forcément difficile. Pour certaines personnes, « câblés » d’une certaine façon depuis l’enfance, apprendre à jouer d’un instrument, trouver l’inspiration ou conduire un raisonnement complexe est trivial. Ouais, c’est comme ça. On n’est pas tous égaux devant la difficulté. Et puis ne confondons pas technique et création. Ce sont deux choses certes souvent interconnectées mais qui peuvent parfois se passer l’une de l’autre.
POUR UN DÉBAT DE FOND !
Ne nous leurrons pas ! Le Jazz est un domaine presque inconnu pour la grande majorité des amateurs de musique dans notre monde contemporain.
Il est vrai qu’aujourd’hui, l’industrie musicale tend à plébisciter une personnalité plutôt qu’un technicien, on ne peut rien y faire, c’est l’époque qui veut ça ! Que voulez-vous ? Led Zep, les Sex Pistols et Lady Gaga sont passés par là ! Exit les « virtuoses » qui ont d’abord débutés en reprenant inlassablement les « standards » du Jazz pour se faire un nom… L’auditeur d’aujourd’hui a oublié ce qu’étais le talent ! Trop de machineries derrière la chanson pour pouvoir en discerner les défauts. Lisez les critiques musicales des grands magazines et/ou sites (Rolling Stone pour ne citer que lui) et vous y verrez des critiques tur le style et l’originalité du musicien, mais il ne sera aucunement fait mention des arpèges, de la gamme ou même de l’instrument utilisé. Non ma bonne dame, tout cela c’est du passé ! Aujourd’hui, on veut des gens « créatifs » dont le talent semble être tombé du ciel. 95% des documentaires que j’ai vu récemment nous parlent du « talent » de l’artiste mais jamais de sa technique ou de son apprentissage. Mais que voulez-vous ? A l’heure du tout numérique, où le premier péquenaud du coin peut réaliser une Bande Originale pour sa Web-Série avec son Mac, on en oublie l’impact émotionnel/destructif/constructif qu’à eu le solfège, l’échec et la douleur sur un vrai musicien, comme c’était le cas avant. Rappelons que 95% des grands musiciens de Jazz sont des autodidactes, mais dans autodidactes il y a didactes, autrement dit « apprendre », et pour apprendre, il faut travailler, et pour travailler, il faut souffrir ! Après, je ne critique pas le texte du Docteur car il a son avis et c’est très bien, il nous livre sa vision de l’oeuvre et c’est ce que doit faire un critique, mais il est vrai qu’aujourd’hui, les gens ont trop tendance à oublier que l’art, c’est avant tout de la technique, et après vient le talent ! J’en donnerais 2 exemples : Dans le genre musical, nous retrouvons le spectacle « Que ma joie demeure » d’Astier, qui, dans la même veine que Whiplash, nous montre la souffrance que peut être l’apprentissage et la création de la musique, souffrance physique et émotionnelle (et non, les paillettes et les belles voitures que vous font miroiter l’industrie du disque ne sont arrivée que très récemment, merci les beatles sans doute… même si ca n’enlevait rien a leur talent). Second exemple : cette phrase de Picasso restée célèbre : « Lorsque je trace un croquis en 5 minutes, il ne m’a pas fallut 5 minute pour le faire, il m’a fallut toute une vie d’apprentissage technique ET 5 minutes ».
Je finirai par dire (car ce qui m’intéresse, c’est davantage le débat de fond que propose le film plutôt que d’agresser le Dr), c’est qu’aujourd’hui, « Musique » rime avec « célébrité », on ne recherche des gens de talents, on recherche des gens « créatifs » et « originaux » qui vont se démarquer et plaire au public (en témoignent certaines déviances où la star n’a plus aucun talent et uniquement de la personnalité). Mais n’oublions pas qu’un orchestre (de Jazz notamment), c’est avant tout 90% de musiciens de génie mais inconnus et 1 stars sur le devant de la scène ! Faire preuve d’humilité en montrant qu’on peut également aspiré à être un génie musical de l’ombre, et non une stars moyennes hyper-médiatisée est l’un des aspects courageux du film.
A la question, essentielle, de « Peut-on aimer le film sans aimer la musique/ le Jazz ? Je ne sais pas répondre car je ne suis pas concerné. Mais une chose est sure, quand on aime la musique et le Jazz, le film remplit son rôle et va même plus loin en parlant de choses dont on ne parle pas habituellement !
Il est totalement proscrit de souffrir physiquement quand on travaille un instrument. C’est une règle élementaire de la musique. Le musicien se doit d’être détendu et de ménager au maximum ses muscles et son corps, parfaitement souple et relaxé. Ce film est un ramassis d’ignominies sur la batterie et décrit exactement l’inverse de ce que doit être un batteur. Un musicien à l’écoute, averti,sobre dans son jeu d’accompagnement qui ne prend pas des solos à tort et à travers comme une petite diva cocainée. Et les jets de sangs sur les cymbales, n’en parlons même pas, c’est d’un ridicule. Heureusement que ce film a eu un impact limité car il est très dangereux de penser qu’il a un réel rapport avec la musique….
+1. Si ce film traitait d’une autre discipline, il ne me dérangerait pas.
Be seeing you,
Mentine
« …le propos du film est une apologie de la torture et du masochisme qui m’a profondément perturbée et ne m’a donné aucune envie d’aller le voir. »
Dans ce cas précis, je te répondrais que :
« torture » = une certaine forme de « harcèlement moral »;
« masochisme = « perfectionnisme ».
Bref, essaye quand même de choisir un peu mieux tes mots parce que là parler de « torture » c’est tout simplement ridicule.
J’ose même pas imaginer ta réaction devant un film comme « Zero Dark Thirty » par exemple…
Comme c’est amusant que quel que soit le site, le forum ou l’espace d’expression public où je donne courtoisement mon avis personnel on me réponde invariablement que je dis n’importe quoi… Tu es sérieux? Un choix de mots « tout simplement ridicule » de ma part? Parce que j’ai négligé d’ajouter « morale » après « torture »? Je ne sais pas si je choisis mal mes mots, mais toi, tu joues sur les tiens. Excuse-moi si les images du héros en sueur, les mains en sang et épuisé au bord de la perte de connaissance que j’ai pu voir dans le trailer m’ont spontanément donné l’impression que ce gamin subissait une torture physique et morale. Au-delà de cette première impression, j’ai bien compris qu’il subit un harcèlement moral de la part de son mentor et s’inflige une discipline qui l’affecte physiquement pour satisfaire ledit mentor.
Petite précision pour Camille : un « harcèlement moral » dont le film ne fait aucunement l’apologie – c’est même tout le contraire – au vu de ce qui arrive à l’un des anciens élèves de Fletcher – pas facile de pas spoiler – mais bon, comme tu ne l’as pas vu de toute façon…
Soit dit en passant comme souvent ici il n’est à aucun moment question de technique cinématographique, ce qui est un poil gênant pour une critique dont c’est le sujet même.
(un contre-exemple au hasard : http://www.capturemag.net/etat-critique/sang-et-eau/ )
Je n’ai pas encore vu le film mais la critique de fond du Doc me semble juste : la vision de la douleur comme passage obligé pour mesurer de la qualité d’une oeuvre artistique est effectivement une vision étriquée, voire puérile. Mais Chazelle et Aronofsky professent-ils cela dans leurs œuvres respectives ? Pas sûr… Pour Aronofsky, j’ai bien l’impression qu’il dénonce justement l’idiotie de ce point de vue dans « Black Swan ». Le manège de Cassel et l’abandon infantile de Portman (d’ailleurs en contraste total avec Kunis plus « mature ») me semblent clairement une critique de cette conception… Non ?
Non c’est le contraire : le génie créatif qui tombe du ciel, ça c’est une idée puérile.
On est d’accord : « le génie qui tombe du ciel » est une idée puérile mais, en l’occurrence, ce n’est pas l’inverse de ce qui est professé. Et quid des très belles choses qui ont été produites alors que l’artiste n’entravait rien à l’histoire de son art ou n’avait aucune notion de technique ? Les solos d’un Steve Vai, hyper techniques dit-on, me laissent généralement froid alors que des pièces d’art brut peuvent me subjuguer.
Je pense que tu exagères, ce n’est pas tout à fait exact. Tu ne peux pas nier que certaines personnes ont des prédispositions naturelles pour tel ou tel art, que d’autres n’ont pas ; il faut les travailler, là-dessus je suis d’accord avec toi, mais ceux qui n’ont pas de prédisposition pour un art pourront y travailler toute leur vie sans atteindre le génie de ceux qui l’ont…
Le film m’inquiétait déjà un brin, et ta critique ne vient pas pour me rassurer car elle semble conforter cette idée toute américaine que pour être N°1, il faut cravacher comme un taré en oubliant tout autre notion, comme celle du « jeu » pourtant essentiel dans la musique. On dit « jouer » de la musique, on ne dit pas « travailler de la musique », non pas que l’apprentissage technique de cette dernière ne soit pas important, mais si l’on enlève toute notion de jeu et donc de plaisir, il ne reste que la jouissance fugace et très illusoire de se dire que parce qu’on est n°1, on est un génie. Buddy Rich n’a jamais fait d’école de jazz, ni même d’école de musique. Comme la plupart des musiciens de son époque, il appris sur le tas, en tapant comme un sourd et avec un sens du rythme hors de commun (ça s’appelle le talent). Il est devenu un génie non pas parce qu’il a voulu, mais par hasard, parce qu’il a su développer un style à lui, tout comme Max Roach, Parker, Davis, Mingus, j’en passe et des meilleurs.
Mais c’est aussi dans le constat que semble établir le film sur l’état du jazz, que ce dernier me semble totalement à la rue. Damien Chazelle, comme tout bon américain, semble faire un état des lieux 100% US. A-t-il seulement écouté Colin Vallon ou Arve Henriksen ? J’en doute.
C’est certainement quelqu’un qui connait ses classiques sur le bout des doigts, mais qui reste prisonnier d’une certaine idée du jazz qui se refuse toute évolution et qui donc est appelé à mourir, et à juste cause, car une musique qui n’évolue pas est une musique morte.
Oui donc on en revient toujours aux 1% de génies et pas aux 99 autres…
Pas forcément, car il n’est pas nécessaire d’être un génie pour s’amuser en musique. Et c’est ce qui compte, bien avant la reconnaissance.
Et j’oubliais un point, aucun des personnages de Whiplash n’est apparemment compositeur, ce qui réduit à mon sens considérablement son intérêt.
Ben non c’est juste un film sur l’apprentissage d’un musicien.
Peut-être que justement c’est vous qui êtes hors-sujet en voulant à tous prix en tirer une réflexion sur la « création »…
Je n’en sais foutrement rien, je ‘ai pas vu le film. Mais même s’il s’agissait d’un film sur l’apprentissage d’un musicien, ne trouves-tu pas dommage que l’élément « plaisir » soit retiré de l’équation ?
C’est aussi la raison pour laquelle je n’aime Black Swan (outres la direction atroce du Lac des cygnes pas Mansell). Voici des gens que sont des artistes mais qui ne font que souffrir. Au bout d’un moment, je me dis, mais pourquoi tu vas pas plutôt bosser à l’usine ?
Ben justement t’as pas vu le film. Comment tu peux lui reprocher de ne pas parler de quelque chose que t’aurais envie de voir dedans ? Et si c’était pas le sujet ?
Mea culpa : Cryma avait déjà tout dit plus haut en fait. Et je rectifie (mea culpa bis), le Dr aborde bien la technique dans son avis (mais en une phrase lapidaire à base de « n’importe comment » comme c’est hélas un peu trop souvent le cas)…
Autant le Doc peut faire rire avec ses papiers acerbo-rigolard plein de mauvaise foi, autant cette analyse de fond frise le grand n’importe quoi et pue la posture du mec qui veut absolument trouver un moyen de justifier son désaccord avec la masse. Tout le monde aimé Whiplash ? Bon, comment vais-je m’y prendre pour dire que j’aime pas et argumenter cela…. C’est bien naze.
100% d’accord avec CINE. Je rajouterais que Dr No prête au film des intentions qu’il n’a pas. Le film parle d’abord d’une relation entre un prof et un élève, pas de la musique. Ca pourrait se passer dans le monde de la danse, des arts martiaux, de la comédie… J’ai vu le film avec ma soeur qui pratique l’équitation depuis 20 ans et qui m’a dit en sortant : « J’ai eu un prof exactement pareil! ». L’histoire du film transcende le milieu de la musique. Toute personne qui pratique une activité à bon niveau à rencontrer dans son parcours ce genre de prof. Et pour finir, à aucun moment Chazelle dit que c’est la bonne méthode. A la fin du film, on ne la sait pas plus qu’au début.
« l’impression que ce gamin subissait une torture physique et morale. »
Chère Camille : c’est une torture morale certes, mais qu’il CHOISIT délibérément de subir, car il la considère en rapport avec son AMBITION artistique. Comme je l’ai dit plus haut, RIEN NI PERSONNE ne l’oblige à continuer les cours avec Fletcher. C’est SON CHOIX bordel, c’est si difficile à comprendre ??
Mais encore une fois t’as pas vu le film, donc évite de juger ce que tu n’as pas vu, merci d’avance.
Arrête, tu deviens exaspérant : j’ai écrit noir sur blanc « j’ai bien compris qu’il subit un harcèlement moral de la part de son mentor et s’inflige une discipline qui l’affecte physiquement pour satisfaire ledit mentor ». Il, le gamin, s’inflige à lui-même cette souffrance physique. Ne dis pas que je n’ai pas compris, j’ai parfaitement compris ! Et puis le ton moralisateur et limite méprisant de ton « Mais encore une fois t’as pas vu le film, donc évite de juger ce que tu n’as pas vu, merci d’avance », tu peux te le garder : « Encore une fois » comme si j’étais tellement débile qu’il faudrait tout m’expliquer plusieurs fois, « évite de juger » genre « laisse tomber c’est trop compliqué pour toi » et « merci » genre « maintenant casse-toi », je ne peux pas laisser passer. Je te rappelle que c’est TOI qui n’as pas bien lu mon précédent message. Et je ne JUGE pas le film, je n’ai jamais dit qu’il n’était pas excellent ou émouvant, il l’est certainement, ce que je dis c’est qu’il ne m’attire pas! Bordel!
« Tout le monde aimé Whiplash ? Bon, comment vais-je m’y prendre pour dire que j’aime pas et argumenter cela…. C’est bien naze. »
Oui mais c’est ce qui fait tout son charme.
GROS poutou à toi aussi Camille. 😉
Meurs.
Punaise j’avais lu cette critique du Docteur quand il l’a publiée, j’avais raté tous ces commentaires hyper intéressants. Le niveau des lecteurs du Daily Mars est quand même assez élevé, ça fait plaisir à voir 🙂
Bon tout a quasiment déjà été dit, mais je viens de voir le film et j’ai été soufflé, un des meilleurs films que j’ai vu ces derniers temps. Je ne suis pas d’accord par contre pour le côté glorification de la relation sado-masochiste. Tout d’abord parce qu’elle n’est pas masochiste, car ça impliquerait que les élèves y prennent plaisir, ou en tous cas y trouvent leur compte. Ce qui n’est très visiblement pas le cas.
Je vais spoiler mais vous faites également l’impasse sur le suicide du jeune que Fletcher pleure dans un de ses cours. Vous faites l’impasse sur la rebellion du héros quand il risque sa vie pour monter sur scène et qu’il est renvoyé comme un malpropre. Vous faites l’impasse sur ce passage à vide du héros, où il retombe sur une vidéo de lui enfant, et se rappelle avec une larme que l’origine de sa vocation a toujours été le plaisir de jouer. Enfin, vous faites l’impasse sur cette grandiose scène finale, où le héros prend son envol en s’émancipant de son mentor tordu, en refusant son autorité et en improvisant pour son propre plaisir.
Alors certes, il y a une glorification de la maîtrise technique, et je ne connais pas assez ce genre musical pour distinguer la reproduction mécanique parfaite du génie créatif. Pourtant c’est ce qu’il m’a semblé voir à la fin, un musicien qui s’est enfin rappelé que la musique était toute sa vie, et qui se laisse porter par son instrument et non par la recherche de l’approbation du maître.
Voilà, honnêtement, ce film vaut le coup d’être vu, ne serait-ce que pour se forger son propre avis.