
Routine et Redondance dans les séries télé (1/4) (par Guillaume Nicolas)
Carte blanche à notre rédacteur invité du mois Guillaume Nicolas, qui nous fait partager une étude passionnante sur la notion de redondance dans les séries télé. Un dossier en quatre parties que vous retrouverez chaque mercredi de décembre.
PAR GUILLAUME NICOLAS
Dans son livre “L’art des Séries Télé – ou comment surpasser les Américains” (Ed. Payot), Vincent Colonna affirme que la série télé est un art de la redondance. Lorsque l’on tente une définition du médium, les termes “récurrent, régulier, répétition” apparaissent comme caractéristiques fondamentales. Cette redondance est inhérente à l’art sériel ou la “mise en série” d’une histoire. Elle remonte à des pratiques bien antérieures aux récits modernes puisqu’on l’on retrouve une fiction cyclique au commencement de la littérature. Par la suite, les serials au cinéma et les feuilletons radiophoniques ont perduré cette forme de narration.
Pourquoi la redondance ?
La question, posée également par Vincent Colonna, met en lumière des carences élémentaires de la série télé. Sa méthode de diffusion fait d’elle un “art pauvre”. Il faut comprendre dans cette expression qu’il n’existe pas de sanctuaire comme la salle de cinéma pour regarder une série mais un lieu commun comme un salon où les risques de parasites sont nombreux ; les notions de débuts et de fins sont flous et le “risque” d’attaquer une œuvre par son milieu forcément plus grand. Connaître ses limites, ses carences provoquent une réaction nécessaire. Et cette réaction s’exprime, entre autre, par la répétition.
Vincent Colonna nous fait d’ailleurs remarquer que le recours à la redondance n’est pas limité au médium de la série mais se retrouve dans des activités aussi différentes que le théâtre du XVII ème, le discours (politique ou religieux) parce qu’elles sont soumises elles aussi à des menaces de distraction permanente. Au point que ces distractions ont influé sur la forme théâtrale comme l’a expliqué le critique Ramon Fernandez (“Molière”, in Tableau de la littérature française, XVII – XVII ème siècle).
Dans la série, la réponse la plus simple fut la création du formula show. Des épisodes bouclés selon un schéma qui se répète au fil des saisons. Le formula show est l’exploitation la plus élémentaire du principe de redondance. Pour autant, ce n’est pas une oeuvre inférieure mais une forme tout aussi capitale. Le principe de redondance occupe le premier plan et réclame de la dextérité aux scénaristes pour transformer ce défaut potentiel en qualité. Mais la répétition se trouve également à l’endroit des séries feuilletonnantes. Elle se présente sous la forme de motifs, éléments intrinsèques liés à un personnage ou une intrigue.
La redondance est un outil narratif basé sur l’itération, comme l’exploitation de motifs ou d’éléments récurrents (personnages, leitmotiv, gimmick, structure).
Encore aujourd’hui, la redondance ou la répétition possède une connotation péjorative.
Il existe des détracteurs de la série télé qui verront dans la redondance l’une de leurs armes favorites pour établir leur critique. Au motif que la série se répète, elle serait mineure puisque incapable de changement. Des philosophes ont travaillé sur la notion de répétition et ont fourni des travaux qui mettent en lumière l’importance de la redondance et sa valeur. Henri Bergson indiquera que, pour que quelque chose change, il faut que quelque chose ne change pas. Un changement total ou complet est une substitution et plus un changement. Et par extension, qu’il ne peut y avoir de répétition sans variation et de variation sans répétition. Gilles Deleuze a également fait de la répétition et de la différence l’objet d’un ouvrage charnière dans son parcours. A partir du travail d’Héraclite qui disait “On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, car à chaque instant une eau vient remplacer la précédente”, Deleuze démontre que la répétition à l’identique n’existe pas mais fourmille d’infimes variations et donne naissance à un nouvel épisode.
Vincent Colonna résume en affirmant que la structure répétitive n’est pas en cause mais sa variation qui intéresse ou non. Il ne faut pas critiquer la répétition en tant qu’objet mais examiner l’intérêt de la variation. Cette importance donnée au changement devient éminent en dépit de sa grandeur. Ici, la valeur ou la force n’est pas en relation avec la quantité mais les conséquences apposées à la répétition.
Une série qui se répète est aussi une série qui change. Cette idée peut paraître abstraite mais elle souligne le principe fondamental de la série au sens où l’essence même de son fonctionnement repose sur ce paradigme. Une succession d’épisodes d’un formula show est une répétition soumis à des variations. L’épisode identique n’existe pas. Une série feuilletonnante nécessite une base redondante pour offrir à son récit les variations qui le feront avancer.
La redondance est la ponctuation de l’œuvre. Sa notion de rythme. Le rythme est la perception d’une forme produit par la répétition. La ponctuation permet l’organisation grâce à un ensemble d’outils.
Dans une série comme House, la structure du récit est identique pour la majeure partie de ses épisodes. Du fonctionnement en acte imposé par les coupures publicitaires à sa nature de formula show, la redondance est l’application du rythme, la cadence de l’épisode. Les éléments redondants offrent également une ponctuation comme organisation d’un récit construit selon ces préceptes. C’est également le cas dans une série feuilletonnante comme Dexter où chaque épisode est construit selon un schéma bien particulier, fait de répétitions, afin de fluidifier la narration.
Nous verrons ultérieurement dans ce dossier comment les auteurs de House et de Dexter vont utiliser la redondance dans leur série et comment ils vont la justifier. Toutefois, ces deux œuvres mettent en évidence le caractère particulier de la routine dans la construction de l’épisode.
Une analyse séquentielle permet de mettre en relief et en rapport les différentes lignes narratives, comment elles s’organisent entre elles, comment elles dépendent les unes des autres. Lire une analyse séquentielle équivaut à déchiffrer une partition. Le tempo se situe dans l’équilibre ou non des trames successives, comme autant de mélodies à l’intérieur d’un même morceau (l’épisode). Et cela permet également de relever les moteurs redondants ou rengaines.
Chez Dexter comme chez House, chaque épisode est composé de différentes trames. La redondance (ou la rengaine) tient dans la répétition de ce schéma. Mais la redondance (le rythme) intervient aussi dans la juxtaposition cyclique des différentes trames. La répétition se situe autant dans l’épisode que la série dans sa globalité avec des actions propre à chacune d’entre elle. Ces différentes formes de répétition en poupée gigogne n’affadit pas l’œuvre pour autant car les auteurs de séries exploitent leur savoir pour éviter de sombrer dans l’écueil tautologique même si l’extrême longueur d’une œuvre suffit parfois à provoquer une instance caricaturale, voire parodique.
Nous avons donc deux formes de répétitions, à deux échelles différentes. La rythmique à l’intérieur de l’épisode ; la rengaine à l’intérieur de la saison. Comme il ne peut y avoir répétition sans variation, la redondance rythmique ou la rengaine sont affectées par ces changements. On parlera alors d’une métabole du récit. Comme une répétition graduée, elle opère un changement de niveau. Et de rythme. Ce jeu créé une différence de potentiel. Les scénaristes ont à disposition un outil de création/organisation aux possibilités nombreuses pour articuler leur œuvre. C’est du travail d’architecte qui s’exprime par la répétition, un assemblage de morceaux redondants dans un ordre particulier qui forme ce spectacle au potentiel quasi sans limite.
La redondance est présente historiquement dans l’art sérielle ou la mise en série du récit. Elle s’est imposée comme remède aux limites imposées par sa diffusion et une ligne de vie cyclique. La redondance n’est pas un mal nécessaire ou une solution du pauvre mais un outil, noble, qui a fait l’objet d’études et d’implications philosophiques sur sa richesses, ses possibilités et ses conséquences.
La répétition développe également un sentiment de promiscuité avec le spectateur. Il impose un rendez-vous régulier et créé un lien entre les personnages et le public. Cette idée du récit sériel et ses personnages récurrents fut l’objet de farouches opposants comme le critique Sainte-Beuve qui voyait dans le travail de Balzac et sa Comédie Humaine un appauvrissement de l’intérêt dramatique par sa dimension à briser la surprise. Il a fallu que Proust s’élève et vienne argumenter la richesse du “retour”. Il énumère des qualités que l’on retrouve aujourd’hui dans toutes les bouches des sériephiles :
– Les ressources de [la série] repose sur la somme des épisodes qui la constitue.
– L’endurance narrative exploitée par [la série] permet l’analogie temporelle du spectateur et du personnage.
– La profusion des intrigues, personnages, situations alloue à l’infime des propriétés aristocratiques.
La redondance ou principe de retour permet de magnifier le banal, de lui donner de la consistance. Par l’investissement en temps que représente la série, le spectateur est soumis à à une densité nouvelle de la banalité et “accède au niveau de l’émotion esthétique. Ce que Proust appelait atteindre “ les mystérieuses lois de la chair et du sentiment”” (Vincent Colonna in “L’art des Séries Télé – où comment surpasser les Américains” ed. Payot).
« L’épisode identique n’existe pas. »
Sauf le « Endless eight », 8 épisodes du dessin animé « La Mélancolie de Haruhi Suzumiya » dont le scénario est identique sur 7 épisodes (le huitième apporte une légère variation expliquant que la même histoire s’est répété des milliers de fois pour les personnages et que personne ne s’en souvient répétant la même journée indéfiniment.) A noter que si le scénario est le même à la virgule près, la réalisation, les plans et les costumes des personnages est différents d’un épisode à un autre.
C’est à ce jour, l’exemple le plus « hard-core » de répétition à l’identique dont on fait preuve des créateurs de séries télé.
Je ne connais pas cet anime mais voilà qui pique ma curiosité.
Toutefois, si je peux me permettre, la redondance dans cet exemple s’applique évidement sur le scénario, c’est dans l’image (réalisation, costumes)que va s’effectuer le phénomène de variation (comme je le comprends à la lecture de ton commentaire).
L’image peut être source d’émotions différentes en filmant différemment la même histoire. C’est un peu comme si l’on demandait à Michael Bay, Jean-Luc Godard, Takeshi Kitano et Ken Loach de réaliser le même scénario, je pense que le résultat et les impressions seraient foncièrement différents.
Mais je dois avouer que cela m’intrigue énormément, il va falloir que je me pense là-dessus parce que l’on est bien en présence de quelque chose d’expérimental sur le principe. Merci pour la découverte.
Ah le Vincent Colonna… Une somme très érudite mais avec laquelle j’ai quelques désaccords et notamment l’idée récurrente qui sous-tend son propos à savoir que le sériephile serait un être par nature moins assidu que le cinéphile. Il a tort, à mon sens, d’appliquer les caractéristiques du spectateur de soap opera à tous les genres. J’en veux pour exemple sa description, certes amusante, de cet homme qui essaye de suivre son épisode alors qu’il ne cesse de faire emmerder par sa femme et son gosse. Son passage sur l’importance de la parole et du dialogue est également discutable: oui la série télé doit assumer son héritage radiophonique et oui le soap opera en est le plus bel exemple, mais aujourd’hui on a profusion de séries qui jouent tout autant sur l’atmosphère et la narration visuelle. Ainsi, Colonna affirme que « cette escorte de l’oralité » permanente fait qu’une série américaine « peut facilement être prise en cours de route alors que c’est malaisé avec une série française » (p. 31) J’en vois plus d’un qui s’étouffe dans le fond là…
En fait, les limites de ce livre c’est son regard tourné vers le passé. Si l’on considère que les séries ce sont: les anthologies, les formula shows à épisodes clos d’avant la fin des années 1990, les séries à la réalisation pauvre et les soap operas que l’on regarde sur sa télé cathodique en fond sonore ou bien quand on tombe dessus, alors oui, les propos de Colonna se tiennent sans problème.
Mais c’est très discutable, voire caduque, dans une société où la série est devenue un art narratif qui supporte très bien l’absence de dialogues, qui peut se regarder sur de très grands écrans dans son salon, qui est devenue un rituel où priment concentration et assiduité, et dont la dimension feuilletonnante ne cesse d’étendre son emprise.
Mais à part ça, et c’est ce qui compte: EXCELLENT article de ta part mon cher Gehenne! C’est un sujet passionnant que la motif du retour du même! Et c’est là la base des mythes… D’ailleurs, la sériephilie n’est-elle pas une forme de religion pour nous? XD
(PS: moi je suis polythéiste)
Je n’ai pas lu L’art des séries télévisées ou comment surpasser les américains de Vincent Colonna (parce que je ne m’attendais pas à grand-chose de sa part, et rien que son titre m’a révulsé) donc je ne me permettrais que de critiquer l’article qui, j’imagine, est fondé principalement sur les notions qu’évoque Colonna.
« Sa méthode de diffusion fait d’elle un “art pauvre”. »
Je commencerais par dire qu’analyser un livre qui considère la série comme un « art pauvre » va en totale contradiction avec la ligne éditoriale de votre rubrique TV, qui est au contraire une base de données et de jeu pour tout bon sériephile.
Mais ce qui me choque, c’est qu’affirmer que la série est un « art pauvre » simplement parce qu’elle est diffusée à la télévision est tout simplement stérile. Apparemment, on serait moins attentif devant une télévision que dans une salle de cinéma, parce qu’on serait dans notre élément, et par-là même plus enclin à être dérangé ou distrait. Je dirais personnellement que c’est exactement le contraire. En regardant une série dans notre zone de confort, on crée un rapport beaucoup plus intimiste avec l’histoire et les personnages, on s’ancre dans le monde fictif pour finalement l’habiter. Et c’est justement parce que la série nous est devenue tellement familière et connue qu’on est capable, tout comme dans la réalité, de s’offrir quelques moments d’inattention. Cette inattention n’est donc pas péjorative, elle est au contraire la preuve de notre assimilation du monde fictif, d’autant plus qu’elle est l’effet de la structure rythmique de la série, qui alterne (schématiquement) moments forts et moments faibles, permettant ainsi au spectateur de faire une pause dans la narration avant de se replonger plus intensément dans la fiction.
« Vincent Colonna nous fait d’ailleurs remarquer que le recours à la redondance n’est pas limité au médium de la série »
Voilà bien la preuve que Vincent Colonna se mélange les pinceaux avec les termes de redondance et de répétition. Partons d’un fait accepté universellement (et qui a été prouvé bien avant que Colonna ne pointe son nez) : le principe de répétition est présent dans toute œuvre artistique (hormis peut-être la peinture). Le problème de Colonna, c’est qu’il se restreint au discours et au théâtre, « bad move » de sa part, puisque j’ai l’impression qu’il fait l’amalgame (à moins que ce ne soit l’auteur de l’article) entre la répétition, figure rhétorique (dont la redondance est l’une de figures de styles les plus importantes), et la répétition, objet structurant du récit.
En effet, la forme discursive et la forme théâtrale se doivent de capter l’attention du public (plus communément appelé « captatio benevolentia » en rhétorique), pour que celui-ci ne relâche pas son attention durant ces quelques minutes ou quelques heures de démonstration ; elles usent dès lors de figures de style, souvent basées sur la répétition, qui viennent ponctuer le récit et marquer les esprits du spectateur. La série peut elle aussi utiliser la répétition comme effet de style (par exemple dans la caractérisation de ses personnages : lui faire répéter un geste ou une parole nous permet de définir l’état d’esprit du personnage ; je pense par exemple à Dale Cooper, dans Twin Peaks, qui maintes fois prend le temps de parler à son magnétophone, Diane). Mais de ce que j’ai compris à travers cet article, Vincent Colonna parle de la répétition comme d’un objet structurant de la série, et non pas comme une figure de style. Dès lors, pourquoi comparer la série et le discours (ou le théâtre), qui n’utilisent pas la même forme de répétition ? Pour nous dire que la série n’est pas le seul médium à pratiquer la répétition ? BIG NEWS : c’est un fait démontré et avéré par toute la branche structuraliste.
Ainsi, il aurait pu prendre n’importe quel exemple de la littérature (je pense par exemple à La Comédie humaine de Balzac, dont l’auteur de l’article a parlé ultérieurement), mais le fait de prendre ces exemples nous fournit la preuve que son approche du format sériel n’est pas rigoureuse pour un sou.
« Une série qui se répète est aussi une série qui change. »
Sans blague ?! Et moi qui croyais qu’on regardait sans cesse le même épisode ! Désolé de paraître désobligeant, mais franchement, peut-on dire quelque chose de plus évident ? Et le paragraphe qui suit cette phrase est à la fois très vague, à la fois très redondant. Alors je sais, c’est le sujet, la redondance, mais je ne m’attendais pas à ce que l’auteur la mette en forme dans son article. En fait, cela me donne surtout l’impression que l’auteur se noie dans les eaux profondes et tente malgré tout de montrer qu’il sait nager.
« La redondance est la ponctuation de l’œuvre. Sa notion de rythme. Le rythme est la perception d’une forme produit par la répétition. La ponctuation permet l’organisation grâce à un ensemble d’outils. »
Je défie n’importe qui de trouver une phrase plus vague que celle-ci. Pourquoi utiliser « ponctuation » dans ce cas de figure ? Qu’est-ce que tu entends par « forme » ? Qu’est-ce que tu entends par « outils » ? C’est bien gentil de nous balancer des termes, mais faudrait peut-être élaborer. Le pire, c’est que tu te répètes un peu plus loin : « Les éléments redondants offrent également une ponctuation comme organisation d’un récit construit selon ces préceptes. » Quels « préceptes » ? J’ai l’impression d’écouter un discours politique, où le politicien paraît dire quelque chose, alors qu’en fait il ne dit strictement rien.
Les paragraphes sur House et Dexter.
Pourquoi donner des exemples si ce n’est pas pour les étayer ? Grosso merdo, tu dis que House reprend la structure de l’épisode bouclé et puis… bah c’est tout. Pareil pour Dexter, tu indiques que c’est un feuilleton qui possède des phénomènes de répétitions dans la saison entière (mais crois-moi, sa structure se répète aussi d’épisode en épisode), et puis… bah c’est tout. On aurait pu tout aussi bien remplacer House par n’importe quelle série à épisodes bouclés, et Dexter par n’importe quel feuilleton. Si tu donnes des exemples, sois un petit peu plus concret, développe par exemple la structure du pilote de House et explique en quoi cette structure se retrouve dans tous les autres épisodes. Parce que sinon, autant ne pas donner d’exemples du tout.
« La redondance n’est pas un mal nécessaire ou une solution du pauvre mais un outil, noble, qui a fait l’objet d’études et d’implications philosophiques sur sa richesse, ses possibilités et ses conséquences. »
Outre la vacuité de cette phrase (quels études ? quelles implications philosophiques ? Développe !), j’ai le sentiment que Vincent Colonna et l’auteur de l’article tentent, en gros, de nous vendre la répétition, et de convaincre les détracteurs de la série que la répétition est un outil « noble » et non pas un « mal nécessaire ». Mais il n’est pas question de noblesse ou de mal, la répétition n’est pas affaire à discussion, puisqu’elle est un procédé structurant de la série, de la littérature, de la danse, du cinéma, de la musique (à la différence que la répétition de la structure est bien plus visible lorsqu’on regarde une série que pour les autres arts). Alors, que cela ne plaise pas aux anti-séries, on s’en bat la rondelle !
A partir de là, les derniers paragraphes commencent enfin à avoir de l’intérêt, puisqu’ils abordent l’effet produit de la répétition sur le récit (« magnifier le banal », même si c’est loin d’être le seul effet) ainsi que sur la réception du public (« un sentiment de promiscuité avec le spectateur »). Si seulement tout l’article avait pu être aussi clair et aussi intéressant que ces derniers paragraphes !
Pour conclure mon très long commentaire (je m’en excuse), je dirais que le gros problème, c’est d’avoir voulu combiner article journalistique et article scientifique (ou universitaire). Or, quand l’article journalistique demande d’être concis pour garder l’attention du lecteur, l’article scientifique cherche à être le plus exhaustif possible pour ne délaisser aucun détail. Ainsi, la combinaison des deux a finalement donné un article vague, indécis, et redondant. Alors après, je ne saurais dire si c’est l’auteur de l’article ou si c’est Colonna qui est très vague et peu rigoureux ; toujours est-il que l’un comme l’autre ne donnent pas vraiment l’impression de savoir de quoi ils parlent.
Mais fondamentalement, je pense personnellement que la répétition n’est pas le sujet qui ait le plus d’intérêt, tout simplement parce que tout le monde sait qu’une série se répète dans sa structure, pas la peine d’expliquer l’évidence (le fait que cet article soit extrêmement redondant est la preuve qu’il n’y a pas beaucoup à dire sur le sujet). Ce qui est vraiment intéressant, c’est de développer les conséquences de la répétition sur la réception du spectateur : en effet, la répétition prodigue, paradoxalement, de la curiosité, du suspense, et de la surprise. Pour cela, je vous renvoie à La Tension narrative de Baroni qui est un petit bijou d’analyse sur la mise en intrigue d’une fiction, que ce soit pour la littérature, le cinéma, ou les séries télévisées (pour le coup, à la différence de Colonna, c’est un ouvrage universitaire et donc plus exhaustif).
Enfin, j’encourage l’auteur de cet article de bachoter de nouveau, pour savoir faire la différence entre répétition (qui concerne la structure de la fiction), redondance (qui concerne la rhétorique de la fiction) et retour (qui concerne la thématique de la fiction); et ainsi d’expliciter ces trois niveaux de lecture, au lieu de passer de l’un à l’autre sans faire de distinction. Mais surtout, je lui conseille de faire un choix, entre article journalistique et article universitaire, parce que les deux ensemble, c’est juste insoutenable.