
Six seasons! And a movie? (Critique de Community – saison 6)
Community revient de loin, de très loin même ! Entre l’éviction puis le comeback du showrunner Dan Harmon, les problèmes d’égo au sein de l’équipe, les départs successifs d’acteurs et les changements de plateformes (de NBC à Yahoo! sur le net) on peut dire que Community est une véritable rescapée. Clairement, le désormais célèbre et (presque) prophétique « Six seasons and a movie » lancé par Abed était loin d’être gagné. À défaut d’avoir un film (pour le moment), la série a atteint les six saisons et avant de savoir s’il y en aura une septième, revenons un peu sur cette dernière année passée à Greendale.
Qu’elle plaise ou qu’elle agace, la série de Dan Harmon aura su définitivement trouvé son ton avec son humour propre et son grain de folie parfaitement unique. Un univers parfois cartoonesque (au sens propre comme au figuré), foisonnant d’idées décalées qui ont su conquérir son public. À travers les saisons, bravant les tempêtes du remaniement d’équipe, Community a tenté de garder un certain esprit tout en faisant évoluer ses personnages. Des personnages qui, au-delà des expérimentations et autres trips méta, se sont complexifiés et épaissis au fil du temps. Enfin, tout du moins ceux qui restent puisque la série s’est vue amputée de trois de ses personnages principaux entre les saisons 4 et 5. La dynamique de la série s’en est durement trouvée affectée. Ce fut d’abord Pierce, interprété par Chevy Chase, qui suite aux problèmes au sein de l’équipe de tournage connu un destin funeste. Son personnage de vieux loser raciste et homophobe était arrivé à un point de non-retour après ce que les scénaristes lui avaient fait subir et il pouvait difficilement finir autrement. Puis, durant la saison 5, vint le départ de Troy, la moitié du duo « Trobed ». Donald Glover, préférant se consacrer à sa carrière de rappeur comme Childish Gambino, laisse alors les fans du binôme, orphelins et c’est un coup dur pour la série et sa dynamique. Avec Abed, ils étaient l’un des piliers comiques de la série et garantissaient une bonne dose de nawak à base de références pop et d’un esprit souvent enfantin.
En ce début de saison 6, la première diffusée sur le Net par le géant Yahoo!, c’est finalement Yvette Nicole Brown aka Shirley qui a quitté le navire pour des raisons personnelles, même si elle fait une apparition en début et fin de saison. Du coup, du cast original, il ne reste qu’Annie, Britta, Jeff et Abed ainsi que Dean et Chang qui sont également toujours de la partie mais moins exubérants et plus discrets qu’à l’accoutumée. Du côté des nouveaux venus, on retrouve Paget Brewster (Kathy dans Friends) dans le rôle de Frankie, l’assistante du Dean et Keith David (souvenez-vous Big Tim dans Requiem for a Dream) dans celui d’Elroy, le pseudo-informaticien. Le groupe d’études s’est transformé en équipe de sauvetage et Greendale en a grandement besoin. C’est d’ailleurs l’axe central de la saison. On sait depuis longtemps que la manière dont est gérée l’université est une aberration, et l’accent est mis sur l’incompétence totale du Dean qui est allé jusqu’à diplômer un chien. Mais très vite, on comprend que Dan Harmon veut mettre de l’eau dans son vin, fini la série ultra-référentielle, fini les délires trop méta, on peut dire que cette saison est celle d’une certaine maturité. Après avoir été un enfant turbulent lors de ses trois premières et plus belles saisons, puis un ado déboussolé et en plein changement (ah, la puberté…) dans une mauvaise saison 4 et une cinquième en quête d’identité, Community semble avoir atteint l’âge adulte. Alors non, la série ne se prend toujours pas au sérieux mais elle est plus sage. Consciente de ses propres failles et de celles de ses personnages, elle tente de revenir à une certaine forme de sincérité.
Toujours en perpétuelle auto-analyse, la série se remet en cause. Bien moins schizophrène qu’elle n’a pu être, elle parait avoir atteint un semblant de stabilité. Mais est-ce une bonne chose ?! Ce qui fait la substantifique moelle de Community, c’est son goût prononcé pour l’expérimentation et ses prises de risque borderline. Jusqu’au-boutiste, la série a connu quelques ratés, à parfois vouloir trop en faire, mais finalement c’est pour ça qu’on l’aime. Du coup, cette sixième saison paraît un peu trop sage. Pas l’ombre d’un épisode-concept à l’horizon, des personnages moins drôles dont un Abed qui a perdu beaucoup de sa saveur et une dynamique de groupe qui peine à fonctionner. Oui, il reste bien quelques scènes post-génériques assez géniales dans leur décalage total ou encore l’épisode étrange et ultra-décalé sur l’inceste (oui, oui !) mais l’esprit vraiment atypique, marginal et créatif de la série n’est plus complètement là. Durant les trois premières saisons, Dan Harmon s’était amusé à créer une sorte de cohésion de groupe dysfonctionnel et toxique pour ses personnages. Égocentrique, puéril et manipulateur, le study group a même été comparé aux Nazis et des parasites. Ces personnalités déviantes, nombrilistes et envahissantes faisaient tout tourner autour d’elles, y compris les seconds rôles. C’est notamment ce dont manque cette saison, d’un univers gravitant autour du groupe. L’action est tellement resserrée sur son cast principal qu’il en oublie tout le reste. On a beau nous parler de Greendale à longueur d’épisodes, on est loin du community college grouillant de vie, qu’on a connu et on regrette certains personnages secondaires qui renforçaient vraiment l’esprit de la série.
Conscient que cette fois c’est certainement la fin, Harmon décide donc de se rapprocher de son noyau dur, mais la greffe des nouveaux protagonistes ne prend pas vraiment. Si Frankie parvient tant bien que mal à trouver sa place, Elroy reste quelque peu en dehors du groupe. Mettant de côté le ton cool, décalé et totalement nawesque des débuts, le showrunner opte ici, pour un ton plus doux-amer qui culmine lors de la dernière scène du dernier épisode dans laquelle Jeff fait tomber le masque face à Annie et lui fait part de ses angoisses. On comprend alors ce qu’a voulu faire Dan Harmon, on comprend la frustration et les regrets vis-à-vis de son bébé et il les exprime à travers Community. En cela, le final est assez touchant et ce dernier épisode, si tant est que ce soit le dernier, clôture assez bien la série. Un épisode qui fait le point sur les six saisons passées mais surtout sur une potentielle septième saison. On retrouve alors l’esprit méta si cher à Community dans lequel chacun y va de sa petite vision de ce que pourrait être cette septième saison. On se met donc nous aussi à y songer… Est-ce réellement souhaitable ? Personnellement, je ne pense pas. Malgré ses défauts, ses faux pas et sa saison 4, Community est une série que j’aime énormément et je ne vois pas ce qu’apporterait une saison supplémentaire. Elle a réussi à survivre jusqu’ici mais elle devrait aujourd’hui se retirer. Évidemment, si Yahoo! annonce une nouvelle saison, j’y jetterai un œil mais sans y croire. Quant à la prophétie d’Abed, seul l’avenir nous dira si elle se réalisera, bien que la saison se termine sur le hashtag #AndAMovie. Ça semble peu enviable ! Même si ça fait un petit quelque chose de songer à quitter Greendale, je préférerais voir Dan Harmon s’atteler à de nouveaux projets au moins aussi barrés et créatifs que l’a pu être Community.
Et pour finir sur une note ad hoc, j’ai envie de dire : « Cool ! Cool, cool, cool ! ».
Bien d’accord avec l’article. J’ai trouvé la saison 6 moins foutraque et ça manquait de Leonard et de Magnitude. Le dernier épisode est excellent et j’ai eu quand même du mal dire au revoir à Greendale.
J’espère qu’il n’y aura pas de saison 7 pour respecter le « 6 seasons and a movie » ; et puis il faut savoir s’arrêter.
Définitivement, cette saison 6 fait bien comprendre que les trois premières saisons sont largement au-dessus des trois dernières.
Je n’ai même pas spécialement aimé cette dernière saison, pour toutes les raisons que tu cites: trop sage, trop réduite à son cast, ça a même rendu le groupe très énervant à la longue. Alors que dans les autres saisons on voyait le groupe comme une entité à part qui foutait le bordel mais avec des personnalités bien définies qui permettait d’avoir des sous-intrigues intéressantes, ici on a juste un groupe de huit personnages énervant, vraiment casse-couilles, qui sont constamment ensemble et qui reste la bande de gamins crétins et égocentriques qui ne grandissent jamais.
Sur ce terrain-là ça marche, mais tout en gardant la structure vue et revu dans les autres épisodes afin de résoudre les intrigues, en sacrifiant ce qui faisait le sel des personnages pour en faire des pantins qui jettent des blagues dans le néant: Abed n’est là que pour le côté « méta » (qui alourdit à fond la série), Britta l’éternelle rebelle, Annie étonnamment transparente, Chang aussi, ainsi qu’un Dean qui assume à fond son côté underground sans beaucoup de subtilités. Les deux nouveaux sont pas très intéressants. Reste Jeff, le meneur, qui ne bouge pas trop dans son rôle, mais qui se retrouve avec un discours intéressant sur le dernier épisode.
Dernier épisode que j’ai autant aimé que détesté d’ailleurs: détesté parce qu’au lieu de s’émanciper de sa série et être un peu plus subtil, Dan Harmon nous refait le coup encore une fois de la pauvre série victime qui n’a pas eu de chance, qui a son noyau de fans en ne se servant plus de quatrième mur mais carrément en en parlant au premier degré. Mais cette volonté d’en parler aussi ouvertement permet de faire un vrai adieu à la série, et de dire clairement aux fans que c’est fini, qu’il faut aller de l’avant et savoir grandir. La vie continue. Ça n’empêche pas Dan harmon de balancer un espoir pour le film et de tacler NBC encore une fois de façon gamine et gratuite sur la fameuse saison 4 où il avait été viré.
NB: petit « plus » pour l’excellente scène post-générique du dernier épisode!